
Affronter la menace nucléaire
15 mai | 18 h 00 min – 19 h 00 min
Benoît Pelopidas, expert universitaire du danger nucléaire, titulaire de la chaire d’excellence en études de sécurité à Sciences Po Paris
Il est difficile d’appréhender le risque de conflit nucléaire. Et il y a plusieurs raisons à cela. Cet aveuglement vient pour partie d’instructions expresses de ne pas aborder le problème de la vulnérabilité nucléaire. En février 1950, le ministère de l’Éducation nationale a émis une circulaire portant « interdiction d’inspirer aux élèves l’horreur de la guerre atomique ». À l’époque, le ministre l’a justifié en disant que c’était pour éviter la propagande communiste. Plus tard, ce choix politique de ne pas informer les citoyens a perduré pour servir la dissuasion, puis pour ne pas effrayer la population.
Un autre problème vient du fait qu’on ne peut pas s’en remettre aux experts et aux professionnels du secteur. La plupart sont en situation de conflit d’intérêt car financés par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le ministère de la Défense ou l’industrie de l’armement. Ils mobilisent les catégories d’analyse du discours officiel comme s’il s’agissait de catégories neutres. Or, quand on en vient à appeler « force de dissuasion » l’arsenal nucléaire, on suppose les effets de cette politique sans les évaluer.
À cela s’ajoute le problème que nous avons du mal à croire à ce que nous savons. Lors d’entretiens avec des architectes de la dissuasion, des partisans de la guerre nucléaire, des militants du désarmement, la plupart m’ont dit qu’ils n’arrivaient pas à croire à la possibilité d’une guerre nucléaire. Il est devenu d’autant plus difficile d’y croire que depuis le début des années 1990, la culture populaire ne nous aide plus à croire à notre condition de vulnérabilité nucléaire. C’est pourquoi la recherche indépendante est indispensable.
Le professeur Benoit Pelopidas est titulaire de la chaire d’excellence en études de sécurité à Sciences Po (CERI) et fondateur du programme d’étude des savoirs nucléaires (Nuclear Knowledges). Il est également chercheur affilié au centre pour la sécurité internationale et la cooperation (CISAC) à l’Université Stanford et au European Leadership Network. Sa recherche lui a valu trois prix internationaux.
Il se consacre à l’étude de la construction des savoirs au sujet des armes nucléaires, leurs fondements institutionnels, conceptuels, imaginaires et mémoriels. Cela passe par une redéfinition de la vulnérabilité nucléaire dans ses dimension matérielle, mais aussi épistémique et politique. Empiriquement, il se consacre aux cas où l’emploi d’armes nucléaires a été évité de justesse, à la gestion des crises nucléaires et à l’histoire nucléaire de la France.
Le conférencier nous propose la lecture cet article :